(extrait d'un de mes récents éditos)
En tout cas, pas toujours! Rentrent en jeu dans nos critères de choix des arguments qui ne sont pas « objectifs » : la conformité avec une décision antérieure, même si celle-ci n’a pas prouvé son efficacité (ce que les sociologues appellent « l’effet de gel ») ; le désir de satisfaire son patron; l’image qu’on se fait de soi; une préférence relationnelle ou affective, etc.
Les tenants de ces théories vont être renforcés par un auteur de poids, prix Nobel, le psychologue Daniel Kahneman (*). Selon lui, la plupart des décisions de management sont prises en fonction d’arguments individuels basés surtout sur la perception, le contexte, voire même un raisonnement défectueux !
Les deux facteurs les plus influents sont nos intuitions et notre raisonnement. Et nous sommes davantage guidés par l’intuition que par la raison: même l’achat d’une voiture commence par une impulsion et une émotion, sur lesquelles ensuite, et seulement ensuite, vient se superposer un raisonnement.
Dans notre vie de tous les jours, nous sommes guidés par ce mode intuitif et émotif : notre façon de conduire, de discuter avec les autres, de réagir à une situation et donc, de manager. Et c’est normal : si l’on passait son temps à se scruter, on ne pourrait plus avancer !
Le problème, évidemment, c’est que cette prégnance de l’intuition et de l’émotion est régulée par un cerveau imparfait. C'est « l’illusion cognitive », dit Kahneman : on pense avoir compris et trouvé la solution mais on a tout faux !
Le contexte, les situations que l’on vit, ont aussi un impact : si on trouve un gros billet par terre (et qu’on décide de le garder !), on aura tendance à voir la vie du bon côté, pendant un certain temps et les décisions que l’on prendra dans cet état d’esprit ne seront pas les mêmes que si elles venaient après un événement malheureux. « Dans votre vie, rien n’est aussi important que vous le pensez, tant que vous y pensez », dit Kahneman. Le seul fait de penser à certaines choses les rend prioritaires.
Autre attitude répandue : les gens n’aiment pas perdre, ils sont beaucoup plus sensibles à ce qu’ils peuvent perdre qu’à ce qu’ils peuvent gagner. Un des tests les plus amusants de Kahneman : on joue à pile ou face ; pile, vous gagnez 20 dollars ; face vous perdez X dollars ; et on vous demande : "quelle valeur doit avoir X pour que vous acceptiez de jouer ?" Réponse moyenne : 40 dollars ! On veut bien jouer à condition de gagner le double de ce qu’on perd.
Dans le management des technologies, on en déduit quelques règles simples : il ne faut pas penser les problèmes séparément (parce que chacun prend alors trop d’importance) mais il faut les relier les uns aux autres, ce qui permet de prendre du recul.
Autre exemple, applicable à nos investissements : quand on achète une maison qui nous paraît trop chère pour nous mais qu’on veut absolument, dit Kahneman, il vaut mieux prévoir en même temps le budget d’aménagement. La note globale passera mieux. Si on fait l’opération en deux temps distincts, on dépensera instinctivement nettement moins dans l’aménagement ultérieur. On est ainsi en permanence « ancré » sur des critères subjectifs, nous dit Kahneman. Tout marin en déduira qu’il faut savoir lever l’ancre…
(*) « What Where They Thinking ? »
mercredi 2 février 2005
Daniel Kahneman: "Nous ne prenons pas nos décisions de manière rationnelle"
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De la rationnalité des décisions
RépondreSupprimerExcellent post pêché sur le blog de Luc Fayard sur la rationnalité des prises de décisions. Je suis totalement d'accor