Pourquoi, quand on parle de la Creuse, ne dit-on jamais que "au fin fond de ?"
C’est un pays ou volent les buzards. Buzard, vous avez dit buzard ?
C’est un pays où les charcutiers vendent des croissants et où les coiffeurs font aussi café-dépôt butagaz.
C’est le pays ou Prosper Mérimée a découvert la "Dame à la licorne" enroulée dans le grenier du château de Bussac.
C’est le pays ou Georges Sand promenait ses amants : de Mérimée, elle disait "J’ai eu Mérimée, c’est bien peu" ; de Chopin qu’elle emmenait en ballade avec un âne visiter les Pierres Jaumâtres, elle disait en les promenant tous deux : "J’ai deux ânes."
Si l'on en croit les noms de lieu, c'est un pays:
- où ça ne se passe pas toujours comme on veut: "La Merdoire"
- où on s'enrhume facilement: "Masmouchard", "La Goutte du Haut"
C’est un pays pleins de légendes et de rites...
La légende de Mousse-Gagnet
A La Souterraine, au lieu-dit la Croix des Quatre-Chemins, la légende veut qu’un souterrain secret s’ouvre tous les ans à Noël, pendant l’élévation de minuit, livrant l’accès à un fabuleux trésor.
Urbain Gagnet, misérable sonneur de cloches, y croyait dur comme fer. Le soir du 24 décembre 1556, il dit à ses fils Joachim et Jérôme :
- Je m’absente cette nuit et demain, quand je reviendrai, nous serons riches !
- Comment est-ce possible ? demandent les deux ouvriers maçons.
- Remplacez-moi à l’église, leur dit Urbain. Sonnez les cloches le plus longtemps que vous pourrez. Maintenant, donnez-moi ma besace et priez pour moi !
Avant minuit, Urbain Gagnet se rend d’un pas alerte à la Croix des Quatre-Chemins et attend. Bientôt un tintement lointain parvient à ses oreilles. Soudain, un spectre apparaît et frappe trois fois le rocher de son trident. Une flamme jaillit du sol et le rocher s’ouvre.
Urbain se précipite, dévale quelques marches et débarque dans la salle du trésor. Fébrile, il remplit son sac de tout l’or qu’il peut, encore et encore. Enfin, il remonte. Hélas, il glisse et retombe lourdement au milieu d’ossements humains. Il se relève comme il peut : trop tard ! Les cloches se sont tues, la dalle rabattue.
L’homme crie, s’agite puis s’écroule désespéré. Prisonnier de sa passion pour l’or, Urbain va mourir. Le sommeil le gagne, des myriades d’insectes le piquent, les chauves-souris s’accrochent à sa peau ridée.
Les jours passent, la mousse tapisse son corps et Urbain vit toujours. Arrive la nuit de Noêl 1557 : le spectre ouvre à nouveau le souterrain et déclare :
- Relève-toi, l’épreuve est finie. Tu peux repartir. Désormais,on t’appellera "Mousse-Gagnet" car tu es couvert de mousse. Sors et n’oublie pas ton or.
Fou de joie, Mousse-Gagnet court chez lui, rue du Coq et tambourine à la porte de sa maison :
- Ouvrez, mes enfants ! C’est votre père qui est de retour et riche comme il l’avait promis !
Etonnés par ce vieillard moussu, les deux maçons le laissent entrer.
- Mais regardez ! crie le malheureux, je vous rapporte un trésor ! Nous sommes riches !
Il vide son bissac sur la table.
Cependant, ce n’est pas de l’or qui en sort, mais des ossements. Effrayés, les deux ouvriers jettent le vieux dehors. Un peu plus tard, remis de leurs émotions, ils ramassent comme ils peuvent les ossements et vont les enterrer au cimetière. Et là, devant la grille, ils trouvent le vieux Mousse-Gagnet, étendu face contre terre, raide mort.
Ils le jettent bien vite dans la fosse commune avec les ossements et rentrent chez eux.
A l’entrée du cimetière, chacun peut voir gravé sur le pilier de gauche le visage de Mousse Gagnet. Les enfants effrayés n’osent s’attarder devant sa tombe, les jeunes filles se signent en passant devant Depuis ce jour, plus personne ne s’attarde en passant à la Croix des Quatre-Chemins.
(source : dos de la Carte IGN "Creuse randonnée")
La légende du Pont du Diable
Le Meunier se lamentait de ne pouvoir facilement passer d’une rive à l’autre de la Creuse, faute de pont.
Un jour, un élégant cavalier se présenta devant sa fille, qui était fort belle et lui dit :
"Je suis le Diable et me fait fort de construire ce pont en une nuit. Si je le termine avant le chant du coq, veux-tu m’épouser ? Si l’aube vient sans que j’ai fini, alors tu seras libre et moi, je terminerai mon ouvrage."
La Belle n’imaginant pas quiconque, fut-il le Diable, capable d’un tel exploit, accepta les conditions et demanda en gage un cadeau : elle reçut de son "fiancé" une magnifique bague brillant d’un vif éclat.
Dès la nuit tombée, le Diable se mit au travail et usant de tous ses artificices, il fit tant et si bien que, peu avant l’aube, il ne lui restait que trois pierres à placer.
La fille du Meunier, se voyant perdue, eut une idée. Elle se rendit au poulailler pour y projeter le reflet lumineux de sa bague : trompé par cette soudaine clarté, le coq lança un sonore "cocorico" au moment où le Diable s’apprétait à placer sa dernière pierre.
Fou de rage, il dut disparaître sans avoir le temps de l’aligner sur les autres formes (comme on peut encore le constater de nos jours).
Le Meunier fut très heureux d’avoir obtenu son pont mais sa fille le fut beaucoup moins : malgré ses charmes, elle ne put jamais trouver un mari car, pour tous, elle demeurait la "Fiancée du Diable".
(d’après Jean des Ajoncs, cité au dos de la Carte IGN "Creuse Randonnée")
Le Saint "Dô Nugié"
Il y avait à Chatelus une statue de saint qui faisait marier les célibataires. Fait dans le bois d’un noyer, on l’appelait : "saint dô nugié." Il n’était pas dans l’église même mais dans le grenier au-dessus de la sacristie.
Pour le voir, il fallait glisser une petite pièce au sacristain. Arrivé près du saint, il fallait réciter :
"Saint dô nugié,
Teu que tâ poussa dé mon vargier
Pré de la bache de ma vache,
A quan don qué meu mariderai ?"
Et si l’on priait dévotement, on était marié dans l’année.
Un célibataire, mécontent du sacristaint et du saint, tapa sur l’un et l’autre. Il fit des bleus au sacristain mais il cassa le saint.
(source "Rites, coutumes et croyances", Association Les Amis du Patrimoine de Toulx Sainte-Croix et de ses environs)
Mariages en Creuse
Une jeune fille devait épouser un garçon, selon les plans des deux familles. Mais les parties n’arrivaient pas à se mettre d’accord.
Les parents firent venir le devin, connu pour ses bons conseils. Il mangea, but, se fit payer. Avant de partir, il désigna l’âne de la maison : "S’il chante trois fois de suite, vous pourrez les marier."
L’âne chanta trois fois de suite et le mariage se fit. On dit que ce fut un aussi bon mariage que les autres.
"La veille du mariage, la mariée revêtait la chemise du marié : cela s’appelait "faire danser la chemise" ! Et la fête commençait : on buvait, on dansait !
Le lendemain du mariage, on plantait un chou dans un pot, qu’on montait sur le toit, sur la cheminée, avec une bouteille de vin. C’était pour assurer la prospérité de la maison.
Le matin, on mangeait la soupe à l’oignon, on portait aux mariés dans leur chambre, un mélange de chocolat et de vin blanc, délayés dans un pot de chambre.
Lorsque le dernier enfant de la famille se mariait, on brûlait le chapeau du grand-père et la culotte de la belle-mère !
Un jour à Malleret, on avait mis bout à bout deux grands morceaux de parquet, pour recevoir 400 invités.
Les mariages étaient de durs moments pour les musiciens :
"Le matin, les messieurs allaient chercher la mariée chez elle : on jouait la marche de la mariée, on traversait le bourg, les villages, toujours en musique ; on allait chercher les gâteau de la mariée, en s’arrêtant de bistrot en bistrot. Puis il y avait le repas et le bal, le lendemain casse-croûte et encore un bal. Pour les mariages riches, les réjouissances pouvaient durer trois jours."
"S’il y avait deux mariages le même jour, la première mariée emportait le bonheur de l’autre."
"Pour aller à la messe du mariage, une mariée ne devait pas emprunter un chemin qu’aucune autre mariée n’avait pris avant elle."
"Au repas qu’on lui offrait chez sa fiancée, on ne devait pas servir d’œufs au fiancé, ni de miel, sinon les futurs enfants auraient été bègues."
"On tirait autant de coups de fusils que l’âge de la mariée. J’avais 22 ans, on a tiré 22 coups de fusil. Il y avait un cheval attelé dans la cour : il a pris peur, s’est emballé et il a cassé toutes les barrières."
Décés et Enterrements en Creuse
"Lors d’un décès chez nous, la métayère vint à pied de son village et dit à ma grand-mère : "Evidemment, madame, j’ai fait prendre le deuil aux bêtes." Cela signifait qu’elle avait placé un crêt noir sur la porte des étables.
J’avais 12 ans quand ma grand-mère est morte : j’ai porté le dueil pendant un anhpeau de crêpe, je sortais coiffée d’un chapeau de crêpe. Pour les cousins germains, on portait le dueil pendant six mois, et trois mois pour les cousins. Les hommes portaient aussi le deuil en se laissant pousser la barbe. Le glas était sonné trois fois pour une femme. On mettait une bougie allumée près du corps. Le jour de l’enterrement, on chargeait le cercueil sur une voiture à ânes, on plaçait la bougie allumée dans une des petites lanternes noires fixées à l’avant dans un anneau. Cette bougie devait brûler jusqu’à l’enterrement. Dans la maison, les portes et les volets étaient clos, on arrêtait l’horloge, le miroir était retourné contre le mur le seau d’eau vidé dans la cour. Si le mort avait des ruches, on leur mettait un crêpe noir : si on ne fait pas porter le deuil aux abeilles, elles meurent."
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